La référence à l’histoire dans le Séminaire X sur l’angoisse de Jacques Lacan
Introduction
Le Séminaire X sur l'angoisse de Jacques Lacan marque un tournant dans son enseignement. D'une approche de la psychanalyse initialement fondée sur une opposition entre imaginaire et symbolique où le symbolique est l’occasion d’un dépassement de l’imaginaire, dans l'Angoisse, Lacan pointe la nécessité de toucher ce qui chez un sujet prend la forme du réel, c’est-à-dire, de ce qui ne bouge pas. Symbolique comme imaginaire prennent la forme de la « tromperie », là où en analyse, certains signes ne trompent pas. Ces signes sont ceux du réel et l’enseignement de Lacan consistera dès lors, entre autres, à saisir où l’on peut voir poindre ce réel lors des cures analytiques. L’angoisse est l’un des points privilégiés de l’apparition de ce réel.
La parole historiée, c’est-à-dire la parole par laquelle un sujet décrit son passé, est une parole convoquant le symbolique. En 1953, dans le Discours de Rome repris en version écrite dans « Fonction et champ de la parole et du langage », Lacan dit que :
« Ce que nous apprenons au sujet à reconnaître comme son inconscient, c’est son histoire, – c’est-à-dire que nous l’aidons à parfaire l’historisation actuelle des faits qui ont déterminé déjà dans son existence un certain nombre de « tournants » historiques. Mais s’ils ont eu ce rôle, c’est déjà en tant que faits d’histoire, c’est-à-dire en tant que reconnus dans un certain sens ou censurés dans un certain ordre[1]. »
L’histoire prend donc une place majeure dans la psychanalyse. En revanche, une vingtaine d’année plus tard, l’histoire semble dépréciée par Lacan dès lors qu’elle est située au niveau de la tromperie. Ainsi, dans le Séminaire XXIII, Lacan décrit l’histoire comme « le plus grand des fantasmes[2] », parle d’« hystorisation[3] », rattachant l’histoire à l’hystérie. Enfin, il parle de la vérité comme d’une « embrouille4 ».
Sans remettre en cause la parole historiée comme vecteur nécessaire de la psychanalyse, on perçoit la nécessité d’un passage au-delà de l’histoire telle qu’elle est décrite dans les années 1950. La psychanalyse n’est plus seulement un travail sur le sens, elle cherche à aller au-delà du sens. Le Séminaire X fait souvent référence à l’histoire, de façon parfois détournée et toujours du point de vue de l’angoisse, mais cette référence permet de mieux saisir l’évolution du paradigme lacanien quant à l’histoire. C’est cette référence que nous voulons chercher à cerner dans cet article.
Dans une première partie, nous ferons un rapide rappel de la place de l’histoire dans le premier enseignement de Lacan, à partir du Discours de Rome. Puis nous verrons ce que Lacan dit de l’histoire et de l’angoisse dans le Séminaire X, notamment à partir de l’analyse de la position de la philosophie existentialiste face à l’histoire. Enfin, nous essayerons à partir de là de saisir les conséquences théoriques que l’on peut en tirer et à mieux cerner le rapport entre histoire et réel, par-delà ce qu’elle porte de tromperie.
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I. Le discours de Rome : l’histoire comme « métaphore de la psychanalyse »[4]
1. Historisation primaire et secondaire
Dans « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse », J. Lacan décrit deux formes de l’historisation prises en compte dans l’expérience analytique : l’historisation primaire, passé réel en tant qu’il a fait l’objet de traumatismes, qu’il a marqué le corps du sujet de ses stigmates, histoire donc en tant qu’elle est vécue par le corps, et l’historisation secondaire, en tant que discours historique. Entre ces deux formes prises par l’histoire, il existe un écart.
En effet, l’histoire racontée n’est en rien « un retour dans le passé » vécu mais la remémoration d’éléments du passé, d’éléments oubliés et remémorés. Le travail analytique est un durcharbeit où le sujet réordonne par la parole, et en partie à son insu, ce qu’il porte de savoirs sur le passé de son existence.
2. Critique de l’épos
Concernant le sujet, Lacan dit que « la vérité de son histoire n’est pas toute dans son rollet et pourtant sa place s’y marque aux heurts douloureux qu’il éprouve de ne connaître que ses répliques, voire en des pages dont le désordre ne lui donne guère de soulagement[5] ». Il ne connaît son histoire que sous la forme de répliques, de légendes qui lui ont été transmises qu’il répète mais dont il perçoit les incohérences, et que l’on peut associer à ce que Lacan appelle l’épos. Le sujet sait qu’il a un rôle à jouer dans cette histoire mais il constate qu’il ne s’agit que d’un petit rôle (ou d’un « rollet ») et que sa vérité propre n’est pas entièrement liée à cette histoire venue du dehors, qu’il en a une part à lui ; encore faut-il qu’il soit capable d’articuler ce qui s’impose à lui d’histoire de la singularité de son désir. L’histoire est un leg qui peut être satisfaisant par le sens clair et distinct qu’il apporte au sujet mais peut aussi être douloureux sous ses aspects morcelés et aliénants. De par son désordre, ses creux, par les apories qu’elle comporte, l’histoire produit désorientation et désarroi dans l’existence.
3. Une remise en ordre du passé pour réorganiser le sens des nécessités à venir
Par la mise en récit et l’interlocution avec l’analyste, les savoirs historiques sont remis dans un certain ordre où apparaît nouveau sens et nouvelle direction. En fonction de la qualité de l’anamnèse, chaque nouvelle trace surgissant modifiera le discours tenu. Mais dans tous les cas, le manque surviendra au cœur du discours, arrivant à un point de butée consistant en ce que Lacan appelle « un blanc » qui peut prendre diverses formes : absence de parole, « chapitre censuré », mensonge, incertitude… Ce blanc correspond dans l’histoire au surgissement de l’inconscient7. La solution pour combler le blanc se situe dans le travail analytique, travail historique d’où émerge une vérité. Toutes les traces sont utilisées pour remettre le « chapitre infidèle » à sa place.
Reprenant M. Heidegger, J. Lacan écrit que le sujet est un être nécessairement en devenir, ou « en avant projeté », c’est la geworfenheit. A ce que je suis actuellement, un avenir est inextricablement lié. Un glissement dans la conception de ce que j’ai été, dans mon passé, impliquera nécessairement un changement dans la conception de ce que je suis et de ce qu’il pourra m’advenir. Lacan utilise la philosophie heideggérienne pour montrer comment une approche historique s’inscrit dans une Geschichte, c’està-dire une histoire au sens de ce qui a été vécu, qui va déterminer les conditions de possibilités de l’action du dasein. Lacan évoque alors la possibilité d’« un peu de liberté » : le peu de liberté se situe là où le sujet fait présentes les contingences passées[6]. Là où il y a anamnèse, il y a donc « un peu de liberté ». Dans une optique heideggérienne, la remémoration est donc le fondement d’une liberté, même si cette liberté reste réduite. Lacan dit encore que la balance repose sur le couteau des certitudes de dates (le couteau est l’espace de liaison entre le fléau de la balance et son pied central). Ce couteau permet l’oscillation entre le passé et le futur. Passé en tant que conjecture, puisqu’il doit être construit, approché, envisagé. Futur en tant que promesse puisque, bien qu’il n’ait pas encore eu lieu, il se transforme par ce qu’il ouvre d’envisageable, bien qu’incertain. Avec l’être jeté dans le monde, la vision d’un passé structure ce qui apparaît comme possible – et donc les conditions de possibilités réelles d’un avenir. Il s’agit bien avec l’histoire de réordonner des « contingences passées », ce qui a été mais qui aurait aussi bien pu ne pas être, dans le passé. Des contingences du passé vient « le sens des nécessités à venir ». Le travail historique transforme donc le rapport qu’un sujet entretient avec son monde et le regard qu’il porte sur son avenir.
4. La critique d’un certain rapport à l’histoire
Comme dans la pratique historienne, on ne peut poser de sens unique sur le passé – ou alors faudrait-il que l’histoire fonctionne de façon nomologique. Certains ont cherché à penser l’histoire à sens unique : l’observation de cas historiques est l’occasion de créer une théorie historique dans lesquels l’ensemble des situations historiques doit pouvoir entrer. Pour ces penseurs, si une situation historique ne répond pas à la théorie, c’est qu’elle se situe en dehors de la marche de l’histoire. Ainsi est-ce le cas de J.-B. Bossuet, de K. Marx ou encore d’A. Comte. Lacan dit que sa comparaison entre histoire et psychanalyse est plus qu’une comparaison, qu’il s’agit d’une métaphore. La psychanalyse est autant une pratique historique que le symptôme est signifiant d’un refoulé. Poser un sens unique sur un événement passé revient à poser un sens unique sur un traumatisme ou un symptôme, sans passage par la parole – par exemple, en l’associant à une fixation sur un stade libidinal. Les postfreudiens auxquels Lacan s’oppose perçoivent les stades comme des moments obligés du développement psychique humain et pour eux si des fixations se produisent, elles remettent en cause l’idéal d’un développement permettant d’accéder à l’idéal d’un amour génital. L’événement historique existe donc en soi et est à trouver au-delà de la parole de l’analysant. Pour Lacan, la fixation est quelque chose de l’ordre du « stigmate historique » : c’est un certain type de rapport à un fait historique, vécu au titre de l’historisation primaire mais aussi au titre d’une historisation secondaire, dans les effets imaginaires et symboliques produits par la fixation pulsionnelle, et qui évoluent en se renouvelant au cours du temps.
Toutefois, si ces théories à sens unique ne permettent de connaître ni le passé, ni l’avenir, elles sont productrices d’effets (imprévisibles) sur l’à-venir. Car avoir une certitude quant à une conjecture historique ou quant à son symptôme produit des effets sur le symptôme – et peut conduire à sa levée comme à sa cristallisation. C’est pour cela qu’en analyse, c’est de la parole de l’analysant que peut surgir une vérité sur le symptôme et non de la suggestion d’un analyste.
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Le Discours de Rome nous montre donc que dans son premier enseignement, la psychanalyse est un travail de reconstruction historique en vue du dénouage des conflits psychiques producteurs de symptômes et de souffrances. Il remet aussi en cause un certain type de rapport à l’histoire, celui qui confond historisation primaire et secondaire. Comment peut-on alors comprendre des formules plus tardives décrivant par exemple l’histoire comme « le plus grand des fantasmes » ? Quel sens peuton donner à l’évolution de la position lacanienne à l’égard de l’histoire ? La lecture du Séminaire X intitulé L’angoisse nous donne des pistes, notamment au regard de ce que Lacan pointe d’un certain rapport philosophique à l’histoire.
II / Histoire et angoisse
Nous étudierons en 4 temps les leçons du séminaire X de novembre 1962 qui s’intéressent particulièrement à l’histoire. Dans le premier, Lacan analyse le rapport entre histoire et angoisse dans la pensée existentialiste. Dans le second, il pointe plus particulièrement le fait que J.-P. Sartre cherche à remettre le cheval de la pensée « sur ses pieds » et « dans les brancards de l’histoire ». Dans le troisième, il recoupe les positions de C. Lévi-Strauss et de J.-P. Sartre concernant l’histoire. Enfin, la dernière partie apporte des précisions sur ce en quoi consiste l’histoire.
1 – L’angoisse chez les existentialistes
Dans la leçon du 14 novembre 1962[7], J. Lacan écrit :
« Mais je tiens à dire, au début de ce discours, que cette philosophie - pour autant que, de son patron, nommé le premier, à ceux dont j’ai par après avancé le nom, elle accuse incontestablement quelque dégradation -, il me semble la voir marquée de quelque hâte et même de quelque désarroi, dirai-je, par rapport à la référence à quoi se confie à la même époque le mouvement de la pensée, à savoir la référence à l’histoire. C’est d’un désarroi, au sens étymologique du terme, par rapport à cette référence, que naît et se précipite la réflexion existentialiste. Le cheval de la pensée, diraije pour emprunter au petit Hans l’objet de sa phobie qui s’imagine un temps être celui qui traîne le coche de l’histoire, tout d’un coup se cabre, devient fou, choit, et se livre à ce grand Krawallmachen où le petit Hans trouve une des images à sa crainte chérie. C’est ce que j’appelle un mouvement de hâte, au mauvais sens du terme, celui du désarroi. Et c’est bien pour cette raison que ceci est loin d’être ce qui nous intéresse le plus dans la lignée de pensée que nous avons épinglée à l’instant, avec tout le monde d’ailleurs, du terme d’existentialisme. »
Dans cet extrait, Lacan décrit la philosophie existentialiste comme « marquée d’un désarroi par rapport à l’histoire ». L’histoire est ce qui, pour les existentialistes, fait problème, car jusqu’alors, l’histoire faisait figure de « référence » : le « mouvement de la pensée » à cette époque « se confine » dans cette référence nous dit Lacan. L’histoire fonctionne en effet comme un axe pour la pensée au XIXe siècle.
Avant l’existentialisme, les principaux penseurs arriment leur pensée à la question de l’histoire : ainsi, Kant, Hegel, Marx ou encore Comte développent des pensées fondées sur un sens de l’histoire bien ordonné, comme l’est l’axe du temps. Pour ces penseurs, le progrès de l’histoire mène inexorablement le monde à la réalisation de ce qu’ils avaient pensé : marche vers davantage de raison, vers la paix perpétuelle, vers une société sans classe ou encore vers le progrès scientifique et humain. Le sens de l’existence des sujets est donné a priori. En cela, Kierkegaard apparaît comme un penseur en marge avec son époque puisque, contemporain de Hegel, il proclame que la pensée de système ne pourra jamais rendre compte de l’expérience individuelle et de ses contingences. En effet, l’homme devant constamment choisir sa vie, il est confronté au vertige angoissant de l’abîme sans fond.
La particularité de l’existentialisme, ce qui accompagne son surgissement historique, c’est un rapport à l’histoire frappé d’un « désarroi », c’est-à-dire d’un « désordre ». Alors que la pensée se considérait comme ce qui tire l’histoire, comme le cheval tire le coche, la pensée s’est cabrée et est devenue folle. Il y a chez les existentialistes un rapport à l’histoire où quelque chose du savoir quant au sens de la marche de l’histoire s’est défait. Alors que la philosophie s’appuyait sur un sens de l’histoire, sur l’orientation dans un progrès particulier, quelque chose est arrivé qui est venu remettre en cause ce sens. Une nouvelle philosophie s’est constituée en conséquence, dans laquelle l’angoisse a pris une place centrale. Il n’y a plus de sens a priori de l’existence individuelle et chacun est contraint de s’en constituer un par lui-même. « Lacan considère que la poussée de l’existentialisme vient du fait que l’histoire a cessé d’être aussi lisible qu’on pouvait se l’imaginer. Il le traduit comme un effet de désarroi[8] » écrit J.-A. Miller. C’est ainsi la pensée qui s’angoisse devant sa propre perte. Chez Sartre, l’angoisse, face à l’illisible de l’histoire, a d’ailleurs une fonction toute cruciale puisqu’elle fonde sa théorie de la liberté du sujet. Mais alors que pour les existentialistes, l’angoisse vient d’un défaut, celui d’une forme de garantie à l’existence, pour Lacan, l’angoisse vient, nous le verrons, du surgissement d’un objet à la fois connu et étranger.
2. Remettre le cheval de la pensée dans « les brancards de l’histoire »
« Aussi bien peut-on remarquer que le dernier venu, et non des moins grands : M. Sartre, s’emploie expressément ce cheval à le remettre, non seulement sur ses pieds, mais dans les brancards de l’histoire. C’est précisément en fonction de cela que M. Sartre s’est beaucoup occupé, beaucoup interrogé sur la fonction du sérieux[9]. »
En 1962, Lacan dit que J.-P. Sartre cherche à remettre « le cheval dans les brancards de l’Histoire » et que c’est d’ailleurs l’une de ses occupations principales. Comme Clotilde Leguil l’indique dans Sartre avec Lacan[10], la notion d’esprit de sérieux citée par Lacan est tirée de l’Etre et le néant de 1943. Sartre y oppose l’esprit de sérieux à l’angoisse car l’esprit de sérieux est justement une réponse du sujet à l’angoisse. Pour Sartre, l’homme n’est pas défini par un donné préalable ou par un déterminisme historique, « la liberté humaine précède l’essence de l’homme et la rend possible, l’essence de l’être humain est en suspens dans sa liberté[11] » et « l’homme est toujours séparé par un néant de son essence. » La vie quotidienne et ses tâches à accomplir épargnent de l’expérience de l’angoisse. Si des valeurs sont déjà là et que je me rapporte à ces valeurs pour orienter mes actes, alors il y a une garantie. Mais si je dois moi-même fonder les valeurs que je choisis, alors l’angoisse arrive car je ne trouve aucune garantie ailleurs qu’en moi[12]. L’esprit de sérieux est ce qui nie la contingence des valeurs. Avec l’esprit de sérieux, il y a primat du monde des choses sur le monde subjectif. « L’homme est sérieux quand il se prend pour un objet ». Mais la gravité de l’esprit de sérieux est un leurre pour mieux oublier l’absence de valeurs objectives. Le sujet se trouve assigné d’un être déjà là en raison de la logique des choses, il est pris dans le sens du monde sans qu’il n’ait à lui en délivrer. Les données de fait sont posées (positivisme) et il existe un déterminisme historique comme naturel. Croire en un sens de l’histoire consiste à se soumettre à cet esprit de sérieux.
Quand Lacan dit, de façon critique, que Sartre veut remettre l’histoire sur ses pieds au titre de la fonction du sérieux, évoquant une « dégradation » de l’existentialisme par leur chef de file, il oppose le Sartre de La Raison dialectique au Sartre de l’Etre et le néant. Pour Lacan, la résurrection du matérialisme marxiste par Sartre va dans le sens d’un retour à l’esprit de sérieux. Le marxisme des années 60 est devenu un idéalisme croyant que le réel est rationnel et que le rationnel est réel. La signification des événements historiques est forcée pour valider leur théorie. Sartre pense donc contre ce qui a fait pour Lacan, l’intérêt de sa pensée, dans la lignée de Kierkegaard, premier à avoir marqué contre Hegel, « l’incommensurabilité du réel et du savoir[13] »
3. L’histoire comme scène
« Donc, premier temps, le monde. Deuxième temps, la scène sur laquelle nous faisons monter ce monde. Et ceci, c’est la dimension de l’histoire. L’histoire a toujours un caractère de mise en scène. Claude Lévi-Strauss le montre bien, nommément au chapitre où il répond à Jean-Paul Sartre et où il critique le dernier développement que celui-ci institue pour réaliser cette opération que j’appelais la dernière fois « remettre l’histoire dans ses brancards ». Claude Lévi-Strauss rappelle que le jeu historique a une portée limitée, que le temps de l’Histoire se distingue du temps cosmique, que les dates elles-mêmes prennent tout d’un coup une autre valeur dans la dimension de l’histoire qu’elles s’appellent 2 décembre ou l8 brumaire. Ce n’est pas du même calendrier qu’il s’agit que celui dont vous arrachez les pages tous les jours. La preuve c’est que ces dates ont pour vous un autre sens. […] Une fois que la scène a pris le dessus, ce qui se passe c’est que le monde y est tout entier monté. […] A partir de là, la question peut être posée de savoir ce que ce le monde, ce que nous avons appelé le monde au départ en toute innocence, doit à ce qui lui est redescendu de cette « scène »[14].
Plus loin, toujours sur le thème de l’histoire, Lacan évoque une réponse de Claude Lévi-Strauss à Jean-Paul Sartre. A ce moment, Lacan montre que sa vision de l’histoire n’est pas celle des existentialistes. S’il partage avec les existentialistes l’idée qu’il n’y a pas de sens prédéfini de l’histoire, il remet en cause l’aspect d’une histoire ayant classiquement valeur de réalité physique. Dans le rapport classique à l’histoire, on pourrait dire que l’histoire est la somme de toute la réalité physique antérieure.
Avec l’existentialisme, il n’y a pas de sens intégré à l’objet : c’est le sujet qui doit constituer lui-même le sens. Comme nous l’avons vu précédemment, l’appréhension du monde ne dit rien de son sens, qui est le fruit du choix du sujet, tandis que pour les philosophes classiques du XIXe siècle, le sens est inscrit dans l’histoire, il est donc inscrit dans l’objet et le sujet peut trouver une solution dans l’objet pour se positionner en tant que sujet. Leurré par l’esprit de sérieux, le sujet pourra même se prendre pour objet de quelque chose qui le dépasse.
L’approche lacanienne de l’histoire est de donner à celle-ci dimension de « scène sur laquelle nous faisons monter le monde ». L’histoire n’est pas le monde mais scène sur laquelle on fait monter le monde. Autrement dit, dans ce que l’on appelle l’histoire, on trouve l’ensemble des objets du monde mis en scène. Si l’histoire est mise en scène, elle est spectacle, elle implique un scénario, des personnages, un visible et un invisible (ce que l’on peut qualifier d’obscène). Lacan défend une « limitation de la portée du jeu historique » puisque l’histoire est prise comme processus secondaire et non comme un objet devant le sujet. Elle n’est pas objet, au sens étymologique, ce qui est « jeté devant nos yeux », mais le fruit d’une production intellectuelle ou psychique. Il n’y a pas d’en soi de l’histoire, elle est toujours de teneur subjective, toujours construction singulière. Lacan évoque déjà simplement la teneur des mots employés pour l’exprimer. Ainsi parler de « 2 décembre » ou de « 18 brumaire » implique un certain rapport à la révolution française. L’usage d’un signifiant au regard d’un autre dira quelque chose du sujet qui l’emploie. L’histoire est donc pleinement du côté du sujet, de la façon dont les signifiants s’organisent chez lui et qui lui permettent l’appréhension du monde.
Enfin, on pourrait être tenté d’associer l’histoire comme objet au temps qui passe. Car le temps passe de fait. Il y a un temps cosmique, définissable pour évoquer le mouvement des astres (celui finalement du calendrier dont on arrache quotidiennement les pages et dont chaque jour correspond à un tour de Terre sur ellemême), la géologie ou même de ce que l’on appelle « histoire naturelle » (mais qui n’a d’ailleurs rien d’une histoire) mais le temps cosmique n’est pas le temps de l’histoire, toujours pleine de sens.
La philosophie de l’histoire confond l’histoire et le monde réel en tant qu’il est passé, confond le monde et sa scène. Cette confusion produit des effets et on peut chercher « ce que le monde doit à ce qui lui est redescendu de cette scène ». Le fantasme historique est producteur de transformations quant au monde. C’est le propre du fantasme que d’être pris pour la réalité. Prenons l’exemple du matérialisme historique : un certain rapport à l’histoire produit des réactions particulières face aux événements. La répression du soulèvement de Budapest de 1956 est tolérée par les communistes français au regard d’une certaine représentation de « la marche de l’histoire », tout comme la conception singulière d’une histoire conduit le sujet à choisir telle ou telle attitude face aux événements de son existence.
4. L’histoire, un « magasin d’épaves »
« Tout ce que nous avons appelé « le monde » au cours de l’histoire laisse des résidus superposés, qui s’accumulent sans le moindre souci des contradictions. Ce que la culture nous véhicule comme étant le monde, est un empilement, un magasin d’épaves de mondes qui se sont succédés et qui pour être incompatibles n’en font pas moins excessivement bon ménage à l’intérieur de tout un chacun. Le champ particulier de notre expérience nous permet de mesurer la prégnance de cette structure. Nous en avons la profondeur spécialement dans l’expérience du névrosé obsessionnel dont Freud lui-même a dès longtemps remarqué combien ces modes cosmiques pouvaient coexister de la façon qui fait apparemment pour lui le moins d’objections, tout en manifestant la plus parfaite hétérogénéité dès le premier examen. »
Dans ce dernier moment, Lacan nous dit que se sont succédées dans le temps une multiplicité de conceptions du monde dont il reste des traces (ou des « épaves ») superposées, accumulées, empilées, de façon contradictoire ou même incompatible, mais faisant bon ménage. Chez le sujet particulier, cela fonctionne de la même façon : il doit faire avec un bric-à-brac signifiant. Chez l’obsessionnel, la structure est très apparente puisque des « modes cosmiques peuvent exister chez lui sans objection ».
Le propre de l’obsessionnel freudien est de faire subsister conceptions hétérogènes et contradictoires. Cela indique que l’histoire que le sujet porte en lui-même sont de l’ordre de l’hétérogénéité et du bric-à-brac, c’est pour cela que Lacan dit « les histoires ». « L’Histoire » – qu’elle soit celle du monde ou celle du sujet – est un tas de petites histoires, de significations hétérogènes, « un renvoi indéfini de significations[15] » sans cohérence intrinsèque que l’on cherche à mettre bout à bout pour leur donner l’unité d’une « histoire ». De la même façon que le sujet se construit par l’imaginaire, donnant à un ensemble de pièces détachées et de perceptions une unité et une « bonne forme », le sujet constitue le monde et son histoire. Ces histoires structurées les unes avec les autres sont décrites par Lacan comme « une immense fiction » au sein de laquelle le sujet se positionne.
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A l’inverse du Discours de Rome où l’histoire apparait de façon dynamique et critique, comme recherche historique et réorganisation des savoirs, dans le Séminaire X, Lacan dans les différentes parties du Séminaire X fait référence à une histoire en tant que construction imaginaire, de savoir déjà là, en ce qu’elle a de statique et de verrouillant. Cette conception de l’histoire n’est pas absente du Discours de Rome (dans sa critique de la divine providence, des marxistes et des postfreudiens) mais Lacan a sûrement de bonnes raisons, en 1962, de vouloir souligner de façon plus précise les dangers de l’histoire dans l’expérience analytique.
Voyons maintenant ce que la théorie lacanienne de l’objet a et de l’angoisse permet de dire de l’histoire.
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III. Une nouvelle place de l’histoire en psychanalyse
Il est souvent fait référence à « ce qui trompe » dans le Séminaire X. Et l’histoire participe justement de ce qui trompe, fonctionnant comme un masque qui vient cacher ce qu’il y a de réel chez un sujet. Un masque ayant trait à l’aspect imaginaire et symbolique, mais implanté dans le réel, impliqué par l’échange symbolique nécessaire entre le sujet et l’Autre. L’approche d’une histoire comme leurre s’oppose-t-elle nécessairement à ce Lacan développe dans son premier enseignement ?
1. La fonction homéostatique de l’histoire entre imaginaire, symbolique et réel
La parole historiée est constitutive de sens pour la vie d’un sujet comme pour son appréhension du monde qui l’entoure et se situe donc à cheval entre imaginaire et symbolique, ce qui lui donne selon J. Lacan valeur trompeuse[16].
La teneur imaginaire de l’histoire tient au fait qu’une fois un sens défini, il se constitue comme stase, comme ce qui ne bouge plus, comme un savoir en ce qu’il comporte d’immobilité. Le sens a pour fonction de définir quelque chose et d’être définitif. Ce savoir participe du processus spéculaire : quand le sujet se raconte, il se dépeint sous les traits d’une forme particulière. L’histoire racontée, censée dire le sujet, décrit un objet « qui ressemble au sujet à s’y méprendre[17] », un objet narcissique donc, élément le concernant mais de fait hors du sujet : le sujet parle de son histoire comme d’un élément le constituant. L’unité entre le sujet et son histoire évoquée n’a pour autre but que de faire tenir un scénario où le personnage tient son rôle. La libido est investie à la fois sur le sujet et sur l’objet, dans un processus de transfusion et de commutation, que Lacan décrit dans le lien a – a’ du schéma L.
La description historique est aussi de teneur symbolique car constituée par le réseau signifiant du sujet, acquis de l’Autre et qui fonctionne comme « grille de lecture » de son monde, présent et passé (le présent étant ce qui se situe au bout de la flèche du passé). Pour décrire le monde et son histoire, le sujet doit prendre la parole et faire usage d’un langage et de mots particuliers, issus de l’Autre, trésor des signifiants, pour produire un énoncé. Cet aspect symbolique est ce qui permet à l’histoire (comme à toute vérité) d’être objet de doute. Il y a toujours un peu de « jeu » sous le signifiant – puisqu’il n’est lié de façon directe à aucun signifié – et avec l’histoire, les prétentions les plus certaines laissent toujours de la place pour le doute. Lacan décrit d’ailleurs le rapport obsessionnel au signifiant à l’aune du doute : le signifiant, l’obsessionnel le met en doute, l’astique, le triture, le met en pièce, cherchant, sous le signifiant, le signe. Pour l’obsessionnel, l’histoire n’est pas certaine : « cela s’est passé comme cela, mais ce n’est pas sûr[18] ». L’histoire n’est finalement que « du truc », cachant quelque chose de bien réel.
Une fixation pulsionnelle s’est faite sur des signifiants particuliers et la pulsion s’est « significantisée » par un artifice grammatical. Derrière la multiplicité des signifiants se cache la pulsion. La constitution d’une histoire se fait en fonction de ce que le sujet concevra de demande de l’Autre puisqu’elle fait toujours office d’adresse à un autre. L’histoire que le sujet raconte et se raconte sert, dans le cadre de la pulsion invocante par exemple, à répondre à la demande de l’Autre. Il y a le « vœu naïf » que l’Autre « se pâme » devant le sujet et l’histoire qu’il raconte21. Il veut une belle histoire, qu’il va raconter, pour intéresser l’autre. Ainsi Anna O., qui inaugure la talking cure parvient-elle avec « sa toute petite histoire » à capter une attention toute particulière de Breuer et de Freud22. L’histoire produit jouissance qui se glisse dans ses signifiants particuliers comme « dans un godet ». Dans le schéma optique, l’histoire fait fonction de point de focalisation dans le miroir de l’Autre.
Pour saisir le rapport entre symbolique et réel dans le propos historique on peut penser à la figure du tore : tout le discours signifiant cache en son cœur un espace creux qui correspond à une structure de jouissance. Les signifiants employés se déploient de façon spiralaire autour d’un vide inaccessible mais structurant. Lacan soulignera d’ailleurs le jeu de mots associant « historique » à « tore » et à « trique » dans le Séminaire XXIV[19].
Avec l’histoire, l’imaginaire se confond avec le symbolique dans une fonction d'homéostase pour le sujet, produisant chez lui, en plus d’un sentiment de complétude, le leurre d'un monde sans trou, d'un monde compréhensible, avec un sens, où l'on peut saisir la beauté et où le bien peut advenir. Chaque chose, et le sujet lui-même pris comme objet, semble à sa place. L’histoire semble ainsi exister de par elle-même, avoir une consistance réelle, correspondre au monde lui-même et ne pas être que de l’ordre de la scène, de la fenêtre ou du cadre où les nouveautés perçues dans le monde apparaissent. L’histoire apparaît au sujet comme réalité et non comme un fantasme.
Lacan explique que le névrosé place l’objet a du côté de l’Autre, comme extérieur à lui. Il s’agit d’une manœuvre pour ne pas le voir en lui ce qui cause son désir. Ainsi, le sujet projette l’objet a dans le monde et dans l’histoire. Sa manœuvre fait coïncider la réalité du monde et son désir, c’est le fantasme. Le sujet se situe dans l’Histoire pour répondre à la demande de l’Autre. Il est sollicité par le monde pour se positionner au sein du monde, par « esprit de sérieux ». Avec l’esprit de sérieux, c’est l’Histoire elle-même (ou le monde et ses règles, ou autrement dit l’Autre) qui appelle au positionnement du sujet dans l’Histoire[20].
Dans le Séminaire XXIII, Lacan écrit que « l’histoire est le plus grand des fantasmes ». Le fantasme sert au névrosé qui l’organise pour « en user » et pour recouvrir l’angoisse. Pourtant, le fantasme est un objet qui lui va comme « des guêtres à un lapin ». C’est un a postiche. C’est le cas de l’histoire : elle est utilisée pour empêcher l’angoisse, pour donner un sens au monde et à sa propre existence. Et cette histoire doit conduire l’Autre à « s’évanouir » ou « se pâmer » devant l’objet que le sujet se fait. Avec l’histoire, le sujet sait tenir l’Autre en appétit, comme la belle bouchère tient son mari ou comme Anna O. a su tenir Freud. D’où la formule lacanienne plus tardive : « il n'y a pas de vérité qui, à passer par l'attention, ne mente[21] » puisqu’une vérité, mais aussi bien l’histoire que l’on raconte, est toujours une adresse formulée de telle manière à ce qu’elle puisse retenir l’attention de l’autre. « Stembrouille26 » dit encore Lacan.
2. L’angoisse, quand surgit l’objet a réel
Alors que dans le rapport a – a’ du schéma L, il y avait permutation possible de la libido entre sujet et objet, il existe dans le schéma optique décrit par Lacan une scission entre i(a) et i’(a). L’investissement libidinal narcissique est transvasé dans l’objet mais il y a apparition d’un reste non-transféré, d’une réserve libidinale. Cette réserve (a) correspond à un manque dans l’image, qui est noté – φ dans le schéma. Il s’agit d’une part non-spécularisable qui n’apparaît pas dans le miroir. Rien n’est censé venir apparaître en cette place – φ en face de l’objet a, qui est l’objet du désir. Dans l’image i’(a), il y a toujours un manque imperceptible où « ce qui y est appelé ne saurait y apparaître[22] ». Le – φ est selon Lacan le point du Heim, la « maison [du sujet] dans un point situé dans l’Autre au-delà de l’image que nous nous sommes faits ». On pourrait se dire qu’il y a toujours un point d’incertitude, de doute et d’envisageable sur ce qui pourrait survenir. Le sujet vit avec ce point vide qu’il ne cesse de remplir. C’est aussi la persistance de l’ensemble vide dans le discours tenu, la persistance de quelque chose qui n’est pas dit. Le flux de la parole historiée vient certes combler un blanc, mais une part du blanc toujours reste non-recouverte par le discours. La parole vient toujours rater le comblement du vide, de par la nature même du signifiant, assurant par là la mobilité de la structure et le renouvellement signifiant. En place - φ se situent les conceptions que le sujet projette hors de lui comme étant de l’ordre de l’Autre. Le sujet se pense relativement libre au sein d’un monde qui fonctionne de par lui-même selon des lois naturelles et historiques. Mais le sujet ne conçoit pas qu’il en va de son fantasme. Le sujet refuse de considérer qu’il bouche quelque chose de l’Autre avec l’histoire qu’il produit.
Cela se voit dans l’expérience car lorsque le sujet découvre qu’un élément vient en trop dans l’histoire qu’il se racontait, alors surgit l’angoisse. Un élément nouveau et inattendu vient boucher le manque imaginaire. Une terrible certitude apparaît. L’histoire telle qu’il se la racontait ne fonctionne plus comme prévue et le sujet est désorienté, il perd le repérage de ce qu’il considérait comme étant de l’ordre de la réalité du monde et qui le rendait heimlich. L’événement fait basculer dans l'unheimlich, avec une déconnexion au discours signifiant. Ainsi, pour celui qui est persuadé que l’histoire va dans un sens, l’événement qui vient la remettre en cause cette marche est l’occasion de voir surgir l’objet a réel (et non plus son postiche), objet à la fois familier et inconnu d’où le sentiment d’inquiétante étrangeté. Le sujet découvre en - φ son propre objet cause du désir et se trouve dérouté car il entrevoit que ce qu’il concevait comme réalité était fantasmé.
Ainsi, de façon concrète, le dévoilement d’un secret familial qui vient remettre en cause l’histoire qu’un sujet se racontait, une épidémie qui vient désorganiser les structures sociales existantes auxquelles un sujet était accroché ou la survenue d’un génocide qui remet en cause l’idée de la marche inexorable vers le progrès sont autant d’événements qui peuvent déclencher l’angoisse du sujet.
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Conclusion
Nous avons vu comment le séminaire sur l’angoisse était l’occasion d’une nouvelle position de Lacan par rapport à l’histoire. Alors qu’en 1953, la théorie lacanienne dit que la psychanalyse est histoire, il rectifie son propos en laissant tout aussi bien voir l’histoire comme obstacle à l’analyse, en raison de son aspect trompeur.
On l’a vu avec l’exemple existentialiste, par l’histoire, le sujet se fait objet et enraye l’absence de sens qu’il pourrait saisir dans l’Autre. Quand les événements ou les traces présentes entrent en contradiction avec le fantasme historique, le rendant caduque, quand le manque disparaît dans l’Autre car le sujet situe de façon indubitable que ce qui comble ce manque est l’objet causant son désir, quand il y a mise à nu et surgissement de la Chose que l’histoire cherchait à masquer, alors voilà l’angoisse. L’histoire semble donc obstacle à la psychanalyse, remise à demain du rendez-vous avec la castration, permise par l’analyse.
Toutefois, une approche dialectique nous permet de joindre les termes que recouvre le terme d’histoire :
- le terme d’histoire, d’une part, est associé au sens de la recherche historique, de la recherche du signe remettant en cause le signifiant
- de l’autre, l’histoire correspond à la thèse posée comme vérité à laquelle on tient, qui nous sert de fondement et que l’on refuse de remettre en cause : c’est l’histoire des livres d’école, qui prend nécessairement la forme de la fiction.
En psychanalyse, c’est avant tout la première acception du terme qui compte. A force, en début d’analyse, d’user le signifiant par le durcharbeit d’historisation, l’aspect contingent de l’attache à une histoire singulière apparaît bientôt, permettant au sujet de ne plus se laisser piéger par ces nécessaires fictions à propos de lui et de son monde et donc de passer à un nouveau rapport à son histoire, en en saisissant l’aspect toujours fuyant et futile[23].
[1] J. Lacan, « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse », in Ecrits, p. 261, éditions du Seuil, 1966.
[2] J. Lacan, Le Séminaire, Livre XXIII , « Le sinthome », leçon du 16 mars 1976.
[3] J. Lacan., Le Séminaire, livre XXIV, « L’insu que sait de l’Une bévue s’aile à mourre », leçon du 14 décembre 1976. 4 J. Lacan, « Préface à l’édition anglaise du Séminaire XI », Autres écrits, Paris, Le Seuil, 2001, p. 571 : « Il y a une certaine façon de balancer stembrouille qui est satisfaisante pour d’autres raisons que formelles (symétrie par exemple) »
[4] J. Lacan, « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse », in Ecrits, page 261. Cette première partie du devoir résume notre travail de mémoire de première année de master avec Clotilde Leguil en 2018-2019.
[5] J. Lacan, « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse », in Ecrits, op. cit. p.265 7 Ibid. p.256.
[6] J. Lacan, « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse », in Ecrits, p.256.
[7] J. Lacan, Le Séminaire, Livre X, « L’angoisse », leçon du 14 novembre 1962, page 16.
[8] J.-A. Miller dans « Les références du Séminaire L’Angoisse », La Cause Freudienne, n°59, page 120
[9] », leçon du 14 novembre 1962, page 16.
[10] C. Leguil, Sartre avec Lacan, page 160.
[11] J.-P. Sartre, L’Etre et le néant, essai d’ontologie phénoménologique, Paris, Gallimard, Tel, 1991, p. 58-60.
[12] En langage lacanien, on pourrait dire que la garantie est trouvée chez l’Autre et que l’absence de l’Autre crée l’angoisse.
[13] J.-P. Sartre, « Marxisme et existentialisme », in Questions de méthode, Paris, Gallimard, Tel, 1960/1986, p. 17-31.
[14] », leçon du 28 novembre 1962, page 44.
[15] », leçon du 28 novembre 1962, page 45.
[16] J. Lacan, Le Séminaire, Livre X, « L’angoisse », leçon du 12 décembre 1962, intitulée « ce qui trompe » par Jacques-Alain Miller, p. 69.
[17] J. Lacan, « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse », in Ecrits, page 254.
[18] J. Lacan, Le Séminaire, Livre X, « L’angoisse », leçon du 12 décembre 1962, p.77. 21 J. Lacan, Le Séminaire, Livre X, « L’angoisse », leçon du 5 décembre 1962, p.62. 22 Ibid., page 63.
[19] Lacan J., Le Séminaire, livre XXIV, « L’insu que sait de l’Une bévue s’aile à mourre », leçon du 14 décembre 1976.
[20] Cela n’est pas sans évoquer l’impératif catégorique kantien, qui par son universalité semble venir à l’homme de façon totalement extérieure et s’imposer à lui.
[21] J. Lacan, Préface à l’édition anglaise du Séminaire XI, Autres écrits, 1976. 26 Ibid.
[22] J. Lacan, Le Séminaire, Livre X, « L’angoisse », leçon du 5 décembre 1962, p.57.
[23] J. Lacan, « Introduction à l’édition allemand d’un premier volume des Ecrits », Autres écrits.
Extrait vidéo des séances du "séminaire" de Lacan du 21 novembre 1962 et du 28 novembre 1962 sur le thème de l'angoisse en psychanalyse
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