Le manque
Pour la psychanalyse, le manque est au cœur de l’existence du sujet, et il est même au fondement de ce qu’est l’homme. Le manque n’est pas pensé comme une faiblesse ou une déficience : il participe de la structure du sujet.
Les formes prises par le manque indiquent les formes du désir du sujet. Le sujet, arraché par l’entrée dans le langage à un état psychique archaïque marqué par la complétude, se trouve parlant, rêvant, cherchant. Progressivement, l’intégration d’un univers symbolique conduit le sujet naissant à une série de renoncements qui seront constitutifs de la subjectivité. Lorsque, par les mots, il découvre qu’il n’est pas tout pour l’Autre, qu’il ne peut pas tout avoir, la castration symbolique introduit une limite, qui produit une absence, un manque, et un désir imaginaire d’y retourner.
Dans le coaching ou la psychologie du développement personnel, le manque est souvent vu comme un problème à résoudre. Être en manque de quelque chose (d’estime de soi, de confiance, de réussite, d’amour…), c’est être incomplet, imparfait, insatisfait. Le manque se comble par une stratégie efficace, positive ou valorisante. Le sujet est invité à devenir autonome et performant, à dépasser ses failles, ses paradoxes ou ses contradictions. La philosophie du développement personnel veut déposer du plein là où l’analyse voit un vide structurant. Cependant, la négation du manque conduit à la négation du désir, et avec lui à celle de la singularité du sujet. Après une courte sensation de mieux, c’est le retour du même.
La psychanalyse n’élimine pas le manque ; elle invite le sujet à trouver une façon de s'y situer, sans chercher à le nier ni à le remplir à tout prix. Le travail analytique aide à faire de ce manque un point d'appui pour une existence plus vraie, plus désirante et moins souffrante. L’enjeu n’est pas de maintenir vivant le manque, mais de ne pas le remettre en cause trop vite. Les sentiments de vide, d’insatisfaction, d’attente sans réponse ne sont pas des anomalies de l’âme qu’il conviendrait de corriger. Ils sont les signaux du désir inconscient. Il s’agit d’entendre ce que ces sentiments disent, de les explorer pour voir, en ombre, la forme prise par le désir. La plainte devient pour le sujet objet de questionnement et occasion d’une relance de l’existence, là où elle s’était perdue dans le cul-de-sac de la souffrance.