Séparation (II) : le langage, le manque et la naissance du désir

Après avoir approché la séparation comme expérience affective et fondatrice, on peut en saisir ici l’assise structurelle : c’est le langage lui-même qui la produit. L’accès au langage par l’enfant le projette dans un monde où le rapport aux choses n’est plus immédiat. Le sujet est pris dans le système des signifiants (mots, noms, symboles), qui sont des représentants des choses, mais non les choses elles-mêmes.

Quand la mère dit à l’enfant : « Papa va venir », un signifiant vient désigner un absent qui n’est pas là. Et quand papa est là, il n’est jamais pleinement là, car il y a toujours un écart entre le mot papa et la réalité de papa. L’écart entre ce qui est dit et ce qui est là n’est jamais entièrement refermé. L’intervalle entre les signifiants correspond au lieu du désir.

Avec le langage, un monde de représentations de choses manquantes surgit. Ce qui est nommé n’est jamais pleinement saisi — d’où le désir.

Et si « le désir du sujet, c’est le désir de l’Autre », c’est à deux titres : tout d’abord, c’est être désiré par l’Autre. Mais c’est aussi, en second lieu, que ce que désire l’Autre est toujours incertain pour le sujet, en raison de sa médiatisation par le système symbolique — par la parole et par les mots. Le désir de l’Autre n’est jamais clair ni distinct. Le désir du sujet est donc produit de structure par l’écart induit par le langage lui-même.

La séparation est ainsi produite directement par la dimension symbolique de l’existence humaine.